Auteur : Delphine Ernotte
Date : 12 janvier 2022
Déclaration lunaire de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, qui était interrogée par Léa Salamé le 12 janvier dernier.
Après les propos d’Eric Zemmour sur l’audiovisuel public , la réponse de @DelphineErnotte : “Je trouve ça très grave d’appeler à la haine contre les journalistes. On sait tous qu’après les mots il y a les actes ” #le79inter pic.twitter.com/iCjqa4MN8D
— France Inter (@franceinter) January 12, 2022
Delphine Ernotte : « Je rappelle le pluralisme qui est le vôtre, ici dans la Matinale [de France Inter], qui est le nôtre au sein de France Télévisions. […] Je veille à ce que toutes les opinions soient représentées sur le service public. »
Léa Salamé : « Il n’y a pas un service public idéologisé, trop à gauche, comme on l’a lu par exemple à la Une du Figaro Magazine ? »
Delphine Ernotte : « Ceci n’a pas de sens, toutes les opinions sont représentées. […] Le service public est la marque du pluralisme. »
Un bobard savoureux !
1. Des invités sont interdits
Marine Le Pen a été très longtemps interdite d’antenne chez deux poids lourds de France Télévisions : Michel Drucker et Laurent Ruquier.
Plus récemment, Gilles Borstein a confirmé en direct que les boycotts existaient encore sur France Télévisions. « Éric Zemmour n’a pas le droit de venir ici » a‑t-il ainsi affirmé le 7 octobre 2021.
Si la direction a bien évidemment nié qu’une telle interdiction était en place, il est évident que Gilles Borstein a au minimum montré quel était l’état d’esprit quant à l’idée d’inviter Éric Zemmour.
Sur un plan moins politique – encore que… – Rémi Gaillard, humoriste bien connu et trublion politique de plus en plus régulier, a accusé France Télévisions d’un boycott de sa personne doublé d’une omerta quant à son existence. Son nom serait ainsi interdit de citation à l’antenne !
Bonjour @Francetele,
Comme le montre cet enregistrement, il semblerait que certaines personnes ne doivent même pas être citées sur vos antennes.
Du coup, est-ce que je dois continuer de payer la redevance télé et financer ma propre censure ?@arretsurimages @morandiniblog @TPMP pic.twitter.com/e8Gh7VHpP1— Rémi Gaillard (@nqtv) January 12, 2022
2. Les calculs sont pas bons Delphine !
Récemment, pour attaquer CNews, Libé a publié un graphique récapitulant la coloration politique des invités de plusieurs médias.
Lorsqu’on se focalise sur France 2 et les stations France Info et France Inter et qu’on compare les invitations aux scores des dernières présidentielles, on voit une sous-représentation très claire des invités de droite dans le service public.
3. Invités et journalistes
La coloration politique des invités n’est qu’une donnée du problème. Le plus important, c’est la coloration politique des rédactions !
Et là, si aucune donnée officielle n’existe, nul besoin de graphiques compliqués pour comprendre que les journalistes ouvertement de droite ne doivent pas être particulièrement nombreux dans les rédactions de France Télévisions !
Un exemple concret : l’arrivée sur France Inter de quelques chroniqueurs vus comme « problématiques ». C’est notamment l’annonce de l’arrivée de Natacha Polony, de Marianne mais vue comme trop à droite par beaucoup de militants de gauche, et d’Alexandre Devecchio, du Figaro, qui a provoqué une réaction tendue en interne.
Si la question du vote des journalistes est un secret, comme le note l’OJIM, Marianne publiait, en avril 2001 (n°209, semaine du 23 au 29 avril) l’un des dossiers les plus exhaustifs jamais consacrés au vote des journalistes. Que disait-il ? Rien qu’on ne sache déjà : « Les journalistes sont, à une écrasante majorité de gauche ». Intitulé « Le clan des clones », il était assorti d’un sondage de l’Institut SCP réalisé par téléphone le 23 février et le 5 mars 2001 auprès de 130 journalistes représentatifs. A la question de savoir pour qui ils voteraient à la présidentielle de 2002, les journalistes répondaient Lionel Jospin à 32%, Noël Mamère à 13%, Jean-Pierre Chevènement à 8%, Arlette Laguiller à 5%, Robert Hue à 5%, Jacques Chirac à 4%, Alain Madelin à 1% et François Bayrou à 1%, Jean-Marie Le Pen ne recueillant aucune intention de vote. Soit 63% pour la gauche et 6% pour le centre et la droite.
Pour la présidentielle de 2012, deux sondages internes effectués dans des écoles de journalisme – le Centre de formation des journalistes (CFJ) et l’École supérieure de journalisme (ESJ) – donnent à la gauche des scores encore plus larges. À l’ESJ, 87% des étudiants disent voter pour la gauche et l’extrême gauche ; au CFJ, la fameuse fabrique des « petits soldats du journalisme », dont sortent les principaux patrons des grandes rédactions, c’est carrément 100 % !
Bref, il est évident que les journalistes sont majoritairement de gauche ou, en tout cas, qu’il est bien plus compliqué d’être ouvertement de droite que de gauche dans de très nombreuses rédactions.
Et là résiderait le véritable pluralisme : faire en sorte que les rédactions de France Télévisions soit véritablement représentatives de la France. Une révolution que l’on peut attendre longtemps…