Les fleurs du mâle

Les fleurs du mâle

31 janvier 2022 | Actualités et communiqués

Mes­dames, Mes­de­moi­selles, Messieurs,

Je trouve de très mau­vais goût de rire des jour­na­listes, et de les accu­ser de men­tir alors qu’ils ne mentent jamais, ne fal­si­fient rien, ne tronquent pas les cita­tions ni les images pour leur faire dire le contraire de ce qu’elles disent. Quand M. Edwy Ple­nel écrit, à pro­pos d’une mani­fes­ta­tion anti-vac­ci­nale : « Des nazis ont défi­lé en plein Paris ce same­di »[1], il ne ment pas. Il a vrai­ment vu la Wehr­macht mar­chant en rangs ser­rés dans le Ve arron­dis­se­ment. C’est son opti­cien qui est en cause, pas lui. Quand M. Jean-Michel Apha­tie dit : « Dans l’expression “net­toyer au Kär­cher”, il y a un conte­nu raciste parce que le Kär­cher ça blan­chit tout », il confond le net­toyage et la pein­ture. Il ne ment pas, il n’est pas bri­co­leur, c’est tout.

Ceux dont vous riez nous informent au péril de leur vie. Un célèbre repor­ter de guerre, M. Claude Asko­lo­vitch, n’hésite pas à témoi­gner de l’horreur, régu­liè­re­ment. « Rue Polon­ceau dans le 18e, a‑t-il écrit, une asso­cia­tion fait des petits bacs végé­ta­li­sés pour égayer un peu le pay­sage, et des pauvres types pissent des­sus. » Ici, la pho­to de la victime :

Les fleurs du mâle

Non, on n’a pas le droit de rire de gens qui prennent tant de risques pour nous aler­ter sur le drame des petits bacs végétalisés.

Mais il y a plus grave. Les risques encou­rus par nos héros du quo­ti­dien sont par­fois à peine ima­gi­nables. L’été der­nier, Mlle Alice Cof­fin a ain­si été vic­time d’une vio­lente attaque homo­pho­bique. Pour ceux qui l’ignorent, Mlle Cof­fin est une jour­na­liste et une mili­tante LGBT (comme elle a des jour­nées de soixante-douze heures, elle est aus­si conseillère de Paris, pro­fes­seur de jour­na­lisme, auteur, confé­ren­cière, et elle repré­sente Paris dans trois conseils d’administration : comme il y a les inter­mit­tents du spec­tacle, elle a choi­si d’être spec­ta­cu­laire d’intermittences).

On peut la voir, ici, en train de débattre avec Mme Polony :

Les fleurs du mâle

C’est une éco-fémi­niste, Mlle Cof­fin. L’éco-féminisme est une secte dont les adeptes ont des slo­gans intéressants :

« Pubis et forêts, arrê­tons de tout raser »

« Ma pla­nète, ma chatte, sau­vons les zones humides »

Quand elle ne sauve pas les zones humides, Mlle Cof­fin est oppres­sée. L’oppression, c’est sa fonc­tion, sa rai­son sociale. Ceux qui l’oppressent, ce sont les hommes, évi­dem­ment, et pas seule­ment ceux qui font pipi sur les bacs végé­ta­li­sés de M. Asko­lo­vitch. Or, et j’en reviens à la vio­lence, Mlle Cof­fin a été vic­time d’un atten­tat. Ça s’est pas­sé à Rouen, le 16 juin, pen­dant une confé­rence. Elle était tran­quille­ment en train d’expliquer la meilleure façon de lut­ter contre le patriar­cat, quand, sou­dain, s’avança vers elle un ter­ro­riste les­bo­phobe. Je vous laisse voir l’image, pro­fon­dé­ment choquante :

Les fleurs du mâle

Un genou à terre, le mal­fai­sant lui ten­dait un bou­quet de roses rouges – les fleurs du mâle.

Aus­si­tôt, tout l’appareil poli­ti­co-média­tique témoi­gna de son émo­tion. On assu­ra Mlle Cof­fin, je cite, de son sou­tien face à « la vio­lence de l’idéologie raciste et mas­cu­li­niste » ; on par­la d’une « agres­sion inad­mis­sible [qui devait] être dure­ment sanc­tion­née ». « Com­bien encore de vic­times ? Com­bien encore de pas­sages à l’acte ? » se deman­da même un célèbre dépu­té. « Des pas­sages à l’acte, écri­vit un essayiste, qui laissent craindre le pire. » (Nous ne pou­vons mal­heu­reu­se­ment citer tous ceux[2] qui ont été hor­ri­fiés par cet atten­tat aux fleurs et se sont levés pour faire bar­rage et dire « Non à la haine ».)

Et que l’on ne me réponde pas avec la publi­ci­té pour les déodo­rants Impulse des années quatre-vingt : « Sou­dain, un incon­nu vous offre des fleurs ».

Les fleurs du mâle

À l’époque, les femmes igno­raient qu’un bou­quet était une agres­sion, un pas­sage à l’acte. Elles ne savaient pas, les mal­heu­reuses, que les roses por­taient en elles les épines de la haine.

Voi­là pour­quoi, Mes­dames, Mes­de­moi­selles, Mes­sieurs, je trouve de très mau­vais goût les accu­sa­tions por­tées par les Bobards d’Or contre ceux qui se dressent pour dire « plus jamais ça », « stop à la haine », oui au bar­rage, contre ceux qui, tous les jours, luttent contre les fleurs.

Prune Lahour­cade

N.B. Je pré­cise à ceux qui s’en inquiè­te­raient que Mlle Cof­fin a sur­vé­cu à son atten­tat. On l’aperçoit ici, après des mois de conva­les­cence, dans une ten­ta­tive pour faire décol­ler sa pensée :

Les fleurs du mâle

Notes

[1] Cette cita­tion, comme toutes celles qui vien­dront, sont évi­dem­ment authentiques.
[2] En voi­ci quelques-uns :
« Tout mon sou­tien à Alice Cof­fin. L’extrême droite cherche à impo­ser son idéo­lo­gie raciste et mas­cu­li­niste par la vio­lence. » (Éric Piolle, maire de Grenoble)
« Toute mon ami­tié à Alice Cof­fin agres­sée par une bande d’identitaires » (Lau­ra Sli­ma­ni, adjointe au maire de Rouen)
« Cette agres­sion est inad­mis­sible et doit être dure­ment sanc­tion­née. » (Audrey Pulvar)
« Soli­da­ri­té avec Alice Cof­fin agres­sée par des mas­cu­li­nistes. » (Clé­men­tine Autain)
« Tout mon sou­tien à Alice Cof­fin. La haine et la vio­lence des iden­ti­taires mas­cu­li­nistes ne font que confir­mer et ren­for­cer notre mobi­li­sa­tion pour l’égalité. » (Julien Bayou)
« Tout mon sou­tien à Alice Cof­fin, agres­sée par des iden­ti­taires […] ! Com­bien encore de vic­times ? Com­bien encore de pas­sages à l’acte ? » (Auré­lien Taché)
« Des iden­ti­taires ont agres­sé Alice Cof­fin […]. La vio­lence de l’extrême droite s’accélère et se bana­lise. Des pas­sages à l’acte qui laissent craindre le pire. » (Tho­mas Portes)