“Alors, Dédé, t’as cru quoi ? Que t’allais pouvoir élire, tranquille pépouze, Donald Trump, l’ogre dévoreur de journalistes-soja au petit-déjeuner et qu’on n’allait pas réagir. Qu’on allait risquer la contagion, l’effet domino, l’effet papillon nazi ? T’as cru qu’on n’allait pas riposter ? Que ça allait être la coexistence pacifique à la cool ? Tu t’es cru arrivé au walhalla de la Réaction, gros naïf ?”
Depuis, on a inventé l’arme de destruction massive ultime pour bien faire fermer sa grande gueule au populo qui râle sur le prix du diesel et qui ne veut pas piquouzer Pfizer les nourrissons : le fact-checking. Oui, madame. On va vérifier tes infos, Dédé et tu vas arrêter de pêcher des carabistouilles sur le net. Fini de rire.
- C’est quoi le fact-checking ? C’est français ?
- Tout de suite, la xénophobie du dictionnaire…tu dérapes, Dédé, tu dérapes… il était vraiment temps qu’on reprenne la main. Je t’explique. Sache, ô vulgum pecus, que fact-checker n’est pas vérifier une information, faut pas déconner, on n’est pas là pour ça. Notre mission divine : tordre suffisamment la vérité pour valider la vulgate officielle. La vulgate ne se fact-checke pas d’ailleurs, règle de base. Ou si peu. Juste quand ça se voit trop qu’on prend les gens pour des cons. On ne fact-checke un ministre qui a sorti une ânerie le matin chez Bourdin que sur des détails secondaires, « non, monsieur Lemaire, la baguette n’est pas à 1 euro mais à 95 centimes. », mais si le ministre a menti éhontément, on expliquera qu’il faut recontextualiser, relativiser, ne pas surinterpréter, que ce qu’il a dit n’est pas vraiment vrai mais de là à dire que c’est vraiment faux, faut pas pousser mémé dans la déontologie, on n’ira pas jusque là. Le gouvernement ne ment jamais, il fait des raccourcis. Nuance.
- Mais ça sert à quoi du coup, le fact-machin si vous ne jouez pas votre rôle primordial de contre-pouvoir ?
- Tsss… tssss…. tu es un peu lent à la comprenette, Dédé. Le fact-checker n’est pas là pour contredire le pouvoir, il est là pour contredire le peuple. Le fact-checking, c’est la Tchéka du Miniver. Son rôle, démontrer que toute information non officielle est fausse et que le peuple est demeuré, débile, sous-diplômé, désinformé et qu’il a mauvaise haleine. L’arme du fact-tchékiste, l’enculage de mouches. Si un média populiste, annonce 125 agressions par jour en France, nous réagissons immédiatement, « non, monsieur, pas 125, 124. Ça change TOUT et ça prouve bien que vous ne racontez que des mensonges nazis !!! Et paf, dans les dents ! Tous les nazis dont des menteurs, LA PREUVE !!! ». Un fact-tchékiste, c’est un mec qui t’explique à toi le crétin neuneu qu’un demi-million de contaminations covid quotidienne, record mondial, est la preuve IRRÉFUTABLE que le pass vaccinal fonctionne, que le wokisme n’existe pas alors que tu viens de te faire refuser un emploi parce qu’en tant que mâle blanc hétérosexuel de taille normale et sans surpoids, tu ne correspondais pas à l’image d’inclusivité de l’entreprise dans laquelle tu postulais, qui explique que Mouloud Abderahmanne Al-Islam, le terroriste né à Kandahar, est un Français « de souche » parce qu’il a un passeport français, qui te sort 42 graphiques pour t’expliquer qu’il n’y pas d’inflation alors que ton caddie Carrouf est passé de 60 balles à 140 en 5 ans.
- Mais on avait bien compris que vous étiez la police politique de l’information. On est un peu couillons certes, mais pas au point de ne pas avoir capté. Mais vu qu’on ne vous écoute plus, on s’en fiche un peu de votre tchéka en continu…
- Non, mais, Dédé, le fact-tchéking ordinaire, ce n’est que la partie émergée de l’Encule. À force de matraquer que tout ce qui vient d’internet, ce sont des faiqueniouzes, on t’a baisé, Dédé. Maintenant tu ne peux plus t’appuyer sur une source alternative pour étayer ton propos, plus personne ne te croit. On a tellement flatté l’égo des crétins diplômés qu’on a réussi à leur faire croire qu’ils étaient des petits soldats de la Raison et de la Science, que BFM était l’eau lustrale de la vraie vérité vraie et que le point d’interrogation était le signe de reconnaissance des beaufs conspirationnistes. Nous étions 10 et maintenant nous sommes Légion. Chaque internaute est un fact-tchékiste bénévole. Un contrôleur de pass de la rationalité.
Un ahuri se permet de demander si Castex ne serait pas un peu niais sur Twitter, et notre armada débarque avec le commentaire en cul-de-poule, « souuuuurce ? », un comique fait un calembour sur la teub de Jean-Michel, la riposte est immédiate, « il est bien AFNOR ton double-décimètre ? », un gros malin raille le docteur Marty qui raconte que l’on a des milliers d’années de recul sur les vaccins parce qu’il suffit d’additionner le nombre de mois de vaccination de chaque vacciné de la planète, en persiflant sur le vaccin au temps des dinosaures, bim ! « Tu es paléontologue ? Non ? Alors, tais-toi ! », un idéaliste cite Hannah Arendt, paf ! « Naaan mais Hannah Arendt, ça a été hyper-débunké par NoFakeNoDead sur tiktok, mec, cultive-toi un peu ! », un rêveur cyberpunk raconte qu’à ce rythme, on nous collera bientôt des puces fact-tchékistes dans le cerveau pour débunker les pensées avant même qu’elles ne soient formulées, et boum ! « Va donc voir en Corée en du Nord si ils ont des implants neuraux, ces arriérés, et si le cul de la Science est bien sur la commode de Kim Jong-un ! »
Nous avons réussi. Nous avons ubérisé la police politique. Nous entrons enfin dans l’ère de la totale félicité, celle des 60 millions de fact-tchékistes. Tu es refait, Dédé, capitule !
- Mmmmm…Ça se fact-tchéke une tarte dans la gueule ? Bon, après, moi, je suis un adepte de la non-violence, alors la tarte, elle va être symbolique mais ça va quand même vitrifier sévère. C’est la cérémonie des Bobards d’or. On va fact-checker les fact-tchékistes, oui et j’espère pour vous que vous avez un bon dentiste…
Gersende Bessède